Assises du Mentorat 2023
Essaimage, quel modèle de développement et d’intégration dans les territoires ?
Pour convaincre l’écosystème local et les acteurs locaux de la pertinence du mentorat, il est nécessaire que ce sujet devienne local. Hormis l’impact que le mentorat aura sur le jeune, quels impacts systémiques sur le territoire ? Cette session présente 3 modèles de déploiement d’un programme de mentorat sur le territoire : de l’identification à l’intégration puis au déploiement.
Objectif de la session :
Proposer un partage d’expériences des pratiques de déploiement du mentorat dans les territoires et les facteurs clé de succès.
Intervenants :
Gildas BARRUOL | Kunact
Karim BOUHASSOUN | ZUPdeCO
Florence MASSENOT | Télémaque
Jacques EHNY | Kunact
Pourquoi diffuser le mentorat dans les territoires ?
Le témoignage des trois associations illustre les différentes raisons justifiant la diffusion et l’essaimage du mentorat dans les territoires. Quelle qu’elle soit, l’action proposée doit être avant tout une réponse à certains des enjeux identifiés sur un territoire. Comme Karim Bouhassoun l’a rappelé durant cette session, il y a autant de “pourquoi” qu’il y a d’associations. La diffusion du mentorat dans les territoires dépend de la nécessité ou non de cette action, d’une urgence politique. En étant le témoin des enjeux de société, on en devient l’acteur. La volonté de toucher de nouveaux publics, dans des petites villes, hameaux, zones rurales ou villes excentrées, est corrélé avec le fait que c’est souvent là que le mentorat est peu développé.
Méthodes et alliances territoriales pour déployer le mentorat, une approche systémique
Il existe différentes méthodes de déploiement, qui peuvent être complémentaires entre elles, comme cela est le cas chez Télémaque. Citons :
- le déploiement sur un nouveau territoire
- la densification d’un territoire existant
- le développement de partenariats locaux avec des associations implantées sur le territoire
Pour chaque méthode, les intervenants de la session s’accordent qu’il est nécessaire d’avoir une approche systémique prenant en compte les institutions présentes, les associations, les acteurs et le bouche-à-oreille. Il faut toujours avoir un fil rouge et le dérouler jusqu’au bout.
Lorsqu’une organisation approche un nouveau territoire, il est nécessaire de rester humble et de s’appuyer sur les forces vives du territoire
En amont de toute implantation, il est nécessaire de mener un état des lieux territorial destiné à prendre en compte un certain nombre d’indicateurs sociaux (taux de chômage des jeunes, CSP représentées dans la ville, le nombre de QPV, le nombre d’établissements REP/REP+…), la présence des acteurs qui pourront être parties prenantes du programme et dont le déploiement du programme dépend (viabilité d’un modèle économique, bénévoles mentors,…).
Malgré un état des lieux du territoire et des recherches pour mieux le comprendre et l’appréhender, l’organisation ne le connaîtra jamais aussi bien que ceux qui y vivent. Ainsi, s’appuyer sur les habitants et les réseaux du territoire facilite l’essaimage. L’organisation peut cibler des acteurs clés du territoire qui faciliteront ainsi leur intégration et la compréhension du territoire, tels que peuvent l’être les élus locaux, gyroscopes de la vie locale, acteurs impliqués et sensibles aux enjeux des associations.
Sans recommandation et acceptation du projet par ceux qui font le territoire, le déploiement peut prendre beaucoup plus de temps. Il est ainsi nécessaire de les écouter, prendre en compte leurs analyses, présenter le plan d’action, chercher des validations, et les rendre parties prenantes. Ces interlocuteurs seront alors tout à fait volontaires pour aider dans les démarches car ils sont motivés à l’idée de proposer un service innovant pour les jeunes de leur ville. Une fois implanté, proposer des alliances locales aux partenaires culturels et sportifs déjà présents sur le territoire vient enrichir l’offre proposée aux jeunes accompagnés, mais aussi asseoir l’action et sa complémentarité par rapport aux autres offres du territoire. De même, par lien personnel et cooptation directe, les mentors et mentorés participent à la montée en puissance de l’action sur le territoire.
Déployer le mentorat, action complémentaire sur le territoire ciblé
Pour chaque acteur, il faut démontrer que le mentorat est utile en complémentarité de leurs propres actions. Faire un état des lieux des associations présentes permet d’éviter de venir en doublon et évaluer si il est pertinent et cohérent de se déployer sur un territoire.
En ne substituant pas à de l’existant, cela permet à l’organisation d’apporter un nouveau savoir-faire et ainsi une réelle valeur ajoutée sur le territoire et de nouveaux résultats.
Tester et évaluer ensuite les actions collectivement et régulièrement permet de réajuster et ancrer les actions sur le territoire. Pour des actions s’inscrivant dans le temps long, il est important que dès qu’il est décidé d’un déploiement sur un territoire, l’organisation y reste et s’emploie à déployer son programme d’année en année avec une montée en puissance du nombre de jeunes accompagnés, visant à produire aussi un changement systémique.
Le modèle d’essaimage et son financement doivent être réfléchis en fonction de l’association et de sa proposition de valeur
Les opportunités de financement sont à réfléchir par rapport au fonctionnement de l’organisation. Par exemple, concernant les financements lors d’un déploiement, ZUPdeCO a bénéficié des “effets de loupe” de la politique de la ville, permettant de travailler avec davantage d’acteurs, et notamment les bailleurs sociaux qui ont des mécanismes de financement spécifiques et accueillent les jeunes ciblés par l’association. Quant à Télémaque, mobiliser les bailleurs sociaux ne sera pas forcément pertinent avec les modalités de leur action. Dès l’instant où ils envisagent d’ouvrir un nouveau territoire, ils commencent par sonder leurs partenaires privés nationaux, ce qui permet de faire des choix, de prioriser et de co-construire avec eux le déploiement. Par conséquent, quand Télémaque rencontre les acteurs publics, il leur est précisé que plusieurs acteurs privés du territoire soutiennent déjà la démarche, ce qui a un impact dans la relation qui peut se tisser avec les interlocuteurs publics.
Enfin, le modèle économique lors d’un essaimage peut reposer sur le bénévolat, l’adhésion à la structure, l’ouverture au mécénat de compétences.
Conclusion
Le déploiement d’une action sur un territoire nécessite plusieurs éléments : une identification des besoins, acteurs clés locaux, une cohérence avec le modèle économique de la structure et doit absolument se construire en complémentarité des actions existantes, en lien avec la dynamique territoriale et selon une approche systémique.