Assises du Mentorat 2023
Pourquoi, comment et jusqu’où impliquer les parents dans le mentorat?
Impliquer les parents dans le mentorat, a fortiori quand ils sont mineurs ? Cela paraît une évidence ! Mais dans quel but ? Quels enjeux pour un mentorat inclusif envers les parents ? Concrètement, comment les impliquer ? Quid des familles monoparentales ? Quelles sont les limites à poser pour que le mentor ne soit pas débordé ou ne s’y retrouve plus par rapport à sa mission initiale ?
Objectif de la session :
Se questionner sur la nécessité d’impliquer dans nos actions de mentorat les parents des jeunes suivis
Intervenants :
Camille BEQUET | Proxité
Paul DE RICK | France Parrainages
Carole FRIZE | Entraide Scolaire Amicale
Eunice MANGADO-LUNETTA | Afev
Marine SCHOUCAIR | Afev
Pourquoi impliquer les familles?
Les structures associées à cette session sont avant tout des structures de mentorat. Ainsi, leur préoccupation majeure doit être celle de la relation mentor-mentoré. Si le projet doit suivre l’intérêt de l’enfant avant toute chose, l’implication de la famille et la prise en compte de leurs problématiques est importante. Ainsi, les parents restent un public incontournable, a fortiori pour les mentorés mineurs pour différentes raisons.
Tout d’abord, le mentorat ne peut pas se faire sans l’accord des familles. Ils ont légitimement le droit d’avoir des informations sur les séances de leur enfant.
L’implication des parents permet de pérenniser les effets et bénéfices du mentorat. Outre l’impact sur le mentoré, le mentorat peut permettre d’instaurer des pratiques familiales permettant de pérenniser les apports du mentorat, mais aussi de les réinvestir, rassurer dans le parcours éducatif de leur enfant.
Par exemple, impliquer les familles dans tout accompagnement qui porte sur l’orientation de leur enfant est primordial, car elles ont un rôle central dans les choix d’orientation, pour avoir un impact sur l’orientation choisie du jeune et pour déconstruire certaines représentations.
Enfin, meilleure est la relation entre le mentor et la famille, plus impactant en sera l’action de mentorat.
D’après des enquêtes menées par Trajectoire Reflex en 2011 et 2019 respectivement auprès de 751 familles et 552 accompagnés par l’Afev, le fait que le mentor discute souvent avec les parents a un impact sur la qualité du lien avec le jeune, mais aussi sur le « fonctionnement » du trinôme mentor-jeune-parent. 73% des jeunes accompagnés par un étudiant mentor qui discute souvent avec les parents ont une meilleure relation avec leur famille suite à l’accompagnement, contre seulement 27% pour les autres.
Les familles sont des publics indirects des actions de mentorat
Les études de l’Afev, l’Entraide Scolaire Amicale, France Parrainages, et Proxité identifient plusieurs impacts indirects du mentorat auprès des familles des jeunes mentorés, dont :
- des relations apaisées en améliorées entre le mentoré et sa famille
- des familles rassurées par le fait que les enfants puissent échanger avec des professionnels de ce qu’ils souhaitent faire plus tard
- l’ouverture d’un espace où les familles peuvent parler de l’éducation de leur enfant, leur permettant de mieux appréhender le système scolaire et de se sentir soutenu dans l’éducation de leur enfant
- un répit parental
- la valorisation de leur pouvoir d’agir. Les parents dont la place peut s’être effacée arrivent à reprendre leur rôle.
Comment impliquer les parents ?
L’aller vers les familles les plus isolées est fondamental. Mais, le comment reste une question essentielle, car sans prendre conscience du schéma familial des familles à qui on s’adresse, on peut difficilement mettre en place les modalités convenables pour communiquer avec elles et les impliquer. Il faut en effet se rappeler que la famille, ce n’est pas toujours un père et une mère, ce peut être par exemple un frère ou une tante.
L’importance d’une communication claire et régulière pour initier un lien qui ne doit cependant pas être forcé
Il est tout d’abord primordial d’expliciter à la famille dès le départ l’action de mentorat, son but et les rassurer sur le rôle de la structure et du mentor.
Ensuite, tous les échanges réguliers avec la famille sont essentiels pour organiser les séances de mentorat, les informer des sujets travaillés, des échéances et pour les rassurer si nécessaire et cadrer les thématiques d’accompagnement. Cela demande une posture d’écoute, avec un enjeu de clarté dans les explications données. Les moyens utilisés quant à eux doivent s’adapter à ce qui convient le mieux à la famille.
Pour faciliter cette communication, il est préconisé d’utiliser des outils de communication avec lesquels elles sont à l’aise, faire attention au vocabulaire et expressions utilisées, traduire les documents pour les familles allophones et utiliser la voie orale pour les parents en situation d’illettrisme.
Afin que la famille puisse s’emparer de l’accompagnement dont bénéficie son enfant, il est préconisé de convier la famille aux temps forts du mentorat, de favoriser la communication en face-à-face, ainsi que l’organisation de temps collectifs avec d’autres familles.
Créer du lien avec certaines familles peut être complexe et prendre du temps, d’autant plus lorsqu’elles n’expriment pas un intérêt à s’investir. Il s’agit de ne pas forcer et faire des retours régulièrement, afin que la famille soit informée du déroulement du mentorat de son enfant. L’important avant tout est que le référent mentorat soit repéré comme l’interlocuteur à qui se référer en cas de besoin.
L’importance d’affirmer ses limites quand les sollicitations des familles dépassent les champs de compétence de la structure organisatrice du mentorat
Parce que les familles des jeunes mentorés peuvent exprimer des besoins forts de soutien à la parentalité, d’accompagnement social ou encore d’accès aux droits, il est essentiel d’affirmer les limites des bénévoles mentors mais aussi celles des équipes.
Si chaque bénévole a ses propres limites, il est primordial d’instaurer un cadre clair, pour éviter le surinvestissement d’une des parties prenantes. Le temps de formation initiale permet d’instaurer ce cadre et de rappeler l’importance de s’appuyer sur son référent mentorat, qui pourra prendre le relai auprès de la famille. Ce dernier doit aussi affirmer une posture professionnelle pour ne pas s’engager sur un champ d’action qui ne serait pas le sien et de pouvoir réorienter la famille au besoin vers les acteurs qui pourront répondre à ses attentes.
Conclusion :
L’objectif de cette session était de se questionner sur l’opportunité et les modalités d’implication des parents des jeunes mentorés par les associations de mentorat. Cette implication est nécessaire à la fois pour le progrès de l’enfant mais aussi pour la légitimation et la montée en compétences des parents qui constituent, de fait, des bénéficiaires indirects de ces actions de mentorat.
Prendre en compte la spécificité des contextes culturels et schémas familiaux des publics auprès desquels les associations interviennent est également fondamental afin d’adapter les modes de communication et d’intervention, et ainsi proposer un accompagnement adapté et bénéfique pour toute la famille. Restant avant tout des structures de mentorat et non d’accompagnement à la parentalité, leur capacité d’intervention auprès des familles est circonscrite mais déterminante.
De ce fait, une connaissance approfondie des ressources et des acteurs des territoires d’action est nécessaire afin de réorienter les familles, quand cela est nécessaire, vers des structures adaptées à leurs besoins. Il est également important de faire le lien avec les structures de droit commun et de renforcer le travail en consortium des acteurs socio-éducatifs, pour que les effets du mentorat se prolongent jusqu’au sein du foyer, du quartier….