🗓️ 7 janvier 2025
⏱️ 1h30 en ligne
Intervenants :
- Camille Béquet, Responsable Qualité et Pédagogie, Collectif Mentorat
- Vivian Gazzera, Directeur des Opérations, Télémaque
- Lucie Massé, Chargée de programme Pro’Pulse, Animafac
- Baptiste Fassin, Directeur des Opérations, Rura
Animation : Fiona Soler Harroche, consultante spécialisée en mentorat
Modération : Fania Anoir, Collectif Mentorat
Un enjeu central pour les programmes de mentorat
L’engagement durable des jeunes est aujourd’hui l’un des défis majeurs pour les associations qui mènent des actions de mentorat. Si le mentorat repose sur la relation entre une personne mentore et une mentorée, il ne peut exister sans un engagement réciproque, pérenne et actif. Or, les abandons prématurés restent une réalité partagée, qui fragilise à la fois l’impact des actions et l’expérience vécue par les utilisateurs.
Cet atelier a permis de poser un diagnostic clair, de partager des solutions concrètes. Il a permis d’ouvrir des pistes sur la manière dont les associations travaillent activement pour consolider l’engagement des jeunes, et comment cet engagement peut devenir un levier de transformation pour les jeunes et la structure.
Pourquoi viser un engagement sur la durée ?
L’enjeu de la durée est au cœur même de ce qui définit le mentorat. Une relation mentorale réussie repose sur le développement progressif d’un lien de confiance, qui nécessite du temps pour se construire, s’enrichir et porter ses fruits. Les recherches montrent que plus la relation dure, plus l’impact sur le jeune est fort : sur sa confiance en soi, sa projection dans l’avenir, ses capacités relationnelles ou son insertion professionnelle.
Mais cette durée doit s’adapter aux besoins et objectifs des jeunes. Un accompagnement de six mois peut être pertinent pour un jeune en recherche de stage ou d’emploi, tandis qu’un suivi de plusieurs années est souvent nécessaire pour des collégiens ou lycéens issus de contextes fragiles. L’enjeu est donc de penser la durée au service de l’impact souhaité chez le jeune, comme un levier pédagogique et non comme une contrainte rigide. C’est d’ailleurs sous cet angle que le Label Mentorat aborde la question.
Quelles sont les causes de désengagement ?
Plusieurs facteurs peuvent expliquer qu’un jeune se désengage avant la fin de son parcours :
- Une motivation qui fluctue dans le temps, en fonction des étapes de vie, du contexte scolaire, familial ou professionnel.
- Un manque d’alignement entre les attentes du jeune et ce que propose le programme. Parfois, le mentorat est mal compris ou mal présenté en amont.
- Une relation mentorale qui ne prend pas, faute d’accroche ou d’écoute mutuelle.
- Une absence de lien avec la structure elle-même ou un faible sentiment d’appartenance au projet, notamment dans les programmes à distance ou peu incarnés.
- Des difficultés internes aux structures, comme le manque de ressources humaines pour assurer un suivi régulier et personnalisé.
Le distanciel, bien que porteur d’opportunités (avantages pour le matching, accès élargi), peut également faciliter le désengagement s’il n’est pas pensé avec des méthodologies adaptées.
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Quelles stratégies pour maintenir l’engagement ?
L’atelier a mis en lumière des leviers essentiels pour entretenir la motivation et éviter les ruptures de parcours :
Approches mises en place par les associations :
🧭 Un parcours d’intégration clair et progressif
Avant même la mise en relation, il est important de valider l’envie du jeune à participer et sa compréhension du programme. L’enjeu est d’éviter les malentendus sur le rôle du mentor, les attentes, la durée de l’accompagnement ou les objectifs. Pour cela, plusieurs associations ont repensé leurs parcours d’intégration, incluant des temps de préparation, des questionnaires, voire des entretiens individuels. Elles proposent des formations spécifiques des mentors, notamment sur la posture, l’écoute active, les biais et les dynamiques de pouvoir. Le matching est finement réfléchi selon les aspirations du jeune, ses centres d’intérêt et le territoire. Le démarrage de l’action est formalisé à travers un “contrat d’engagement” signé entre toutes les parties prenantes de l’action (la personne mentore, mentorée et la structure).
💬 Un premier mois décisif
Tous les participants ont insisté sur l’importance du premier mois ou de la première rencontre. C’est là que se joue la qualité de la relation et la confiance entre les parties. Un bon départ est souvent gage d’un accompagnement qui tient dans la durée. Certaines associations structurent même leur suivi en se concentrant particulièrement sur cette période, avec des prises de contact renforcées et des temps d’échanges précoces, avec des prises de contact toutes les 3 semaines à 3 mois selon les structures.
🤝 Des relations personnalisées, incarnées et équilibrées
L’engagement est facilité quand les jeunes se reconnaissent dans leur mentor. Des profils de mentors jeunes, proches culturellement ou professionnellement, permettent une meilleure identification. La relation entre la personne mentorée et la personne chargée de mentorat joue aussi un rôle essentiel : c’est souvent cette personne qui crée le lien avec la structure et permet de repérer les signaux d’alerte ou les signes de désengagement.
📱 Une communication adaptée aux usages des jeunes
WhatsApp, SMS, entretiens en visio ou appels téléphoniques sont préférés aux mails trop formels. Il s’agit de rejoindre les jeunes là où ils sont, tout en leur proposant des repères clairs, dans un cadre structuré, mais souple. Les actions de mentorat doivent être pensée “par et pour les jeunes”.
🛠 Des outils, des process et des données
Pour maintenir la qualité du mentorat dans la durée, les structures investissent dans des outils numériques de suivi, des documents partagés, ou encore des bases de données collaboratives. Ces dispositifs permettent d’assurer la continuité en cas de changement d’équipe, d’éviter la perte d’information, et de mesurer la progression.
Au-delà du mentorat : renforcer l’impact dans la durée
Certaines structures vont plus loin en proposant des parcours complets autour du mentorat. Elles intègrent des ateliers collectifs, des rencontres avec des professionnels, ou des temps forts permettant de créer un sentiment d’appartenance à une communauté. Cela favorise un engagement plus large et plus profond.
L’atelier a également mis en lumière l’émergence de communautés d’Alumni, constituées d’anciens mentorés qui restent en lien avec l’association. Ces jeunes deviennent ambassadeurs, mentors à leur tour ou porteurs de projets dans leur territoire. Leur implication contribue à nourrir les programmes de mentorat, en s’assurant qu’ils répondent aux besoins changeants des jeunes, et à faire vivre une dynamique vertueuse de transmission et de solidarité.
Ce qu’on peut retenir
✅ L’engagement des jeunes ne se décrète pas, il se construit. Il repose sur une relation de confiance, une compréhension claire des objectifs, et une durée d’accompagnement adapté à leurs besoins et réalités.
✅ Le suivi humain reste clé. Même dans des formats numériques ou à distance, le lien direct avec les équipes, les personnes mentores et mentorées fait toute la différence.
✅ Les jeunes ont envie de s’impliquer, à condition qu’on leur fasse une place réelle. Leur permettre d’être acteurs de leur parcours, voire co-concepteurs des actions, renforce leur sentiment d’utilité et leur envie de rester et contribuer.
✅ Un engagement sur la durée permet un effet levier : les jeunes les plus engagés deviennent souvent les meilleurs relais pour les générations suivantes.
Propos recueillis par Fiona Soler Harroche